Quand on explore le Vietnam à moto, surtout en plein cœur de l’automne - saison propice aux mariages en raison du climat favorable -, il est fréquent, même en campagne, d’apercevoir le long de la route un mariage en train d’être célébré autour d’un repas copieux et “quelque peu“ alcoolisé. L’évènement se déroule la plupart du temps sous un stand extérieur joliment décoré pour l’occasion, et en présence d’un nombre extrêmement élevé d’invités.

Pour un étranger curieux de découvrir ce que je pensais être un mariage vietnamien (mais qui n’est en fait que la célébration du mariage), il est assez simple, en se montrant curieux et un minimum avenant, de jouer les invités de dernière minute (la réputation de l’hospitalité vietnamienne n’est plus à faire, en particulier vis-à-vis des étrangers).

Les fiançailles d’un jeune couple hanoïen

Au Vietnam, le mariage est une étape importante de la vie et reste largement populaire. Un collègue m’explique que le poids des traditions est encore très lourd tout au long du cérémonial qui entoure le mariage, et ce même si les mœurs se sont largement libérées, surtout chez la jeune génération.

En me renseignant sur le sujet, j’apprends que le mariage se déroule en plusieurs étapes comportant chacune leur lot de rituels. L’une d’entre-elles, la cérémonie dite “des fiançailles“, (un ami vietnamien m’a tout de suite mis en garde de ne pas faire d’analogie avec les fiançailles françaises, qui se limitent pour un couple à la déclaration d’intention de se marier !) est, me dit-on, extrêmement marquée symboliquement.

Problème : il n’est pas chose facile d’assister à une cérémonie de “fiançailles“ sans y avoir été invité à l’avance. D’abord parce que l’événement a lieu en privé dans l’intimité du domicile familial des deux futurs époux, mais surtout parce qu’il est vraiment réservé à la famille et à quelques amis proches.

Je réussis finalement à me faire gentiment inviter par Trân Hai Đang, 26 ans, le copain d’un collègue de travail, qui s’apprête à épouser Đoàn Hà Linh, une jeune vietnamienne du même âge.

L’après-midi de la cérémonie, je me rends au domicile familial du futur marié, situé en plein cœur du Vieux quartier de Hanoï. Avec un très bon français (qui déstabilise toujours un peu quand on ne s’y attend pas), Trân Hai Đang prend quelques instants pour remettre l’événement du jour dans son contexte et me résumer succinctement le déroulement d’un mariage traditionnel vietnamien.

Les différentes étapes du mariage vietnamien

Celui-ci a lieu en quatre étapes distinctes, sur autant de jours différents. En premier lieu, le futur marié doit, accompagné de ses parents, se rendre au domicile de sa future femme demander symboliquement  l’autorisation à ses futurs beaux-parents de se mettre en couple avec leur fille (ce qui à l’époque correspondait de fait à une demande en mariage).

Ensuite, arrive, quelques jours plus tard, la fameuse cérémonie des fiançailles, destinée principalement à annoncer la nouvelle du mariage aux ancêtres et recevoir leur aval. Cette étape est souvent d’une plus grande importance que la célébration du mariage elle-même.

C’est lors de la troisième étape que le mariage est officiellement acté : peu de temps après les fiançailles, le futur époux, toujours entouré de ses parents, se rend de nouveau au domicile de sa future femme pour recevoir l’autorisation officielle d’épouser la fille. La coutume veut alors que le mari ramène son épouse dans sa maison familiale, où elle est amenée à vivre par la suite (même si dans les faits, cette tradition est de moins en moins respectée).

Enfin, on m’explique que ce n’est que pour célébrer ce mariage qu’un grand banquet est organisé en présence d’un nombre d’invités extrêmement important. Près de 1.000 personnes peuvent y être présentes, et il n’est pas rare que les mariés ne connaissent pas, ou que très peu, bon nombre de leurs invités.

Trân Hai Đang conclut cette petite présentation générale sur le fait que le cérémoniel compte moins pour les Vietnamiens de sa génération que pour celle de leurs parents, même s’il ne voit personnellement aucun inconvénient à perpétuer les traditions.

Mais assez d’explications, la cérémonie des fiançailles doit commencer. Tout le monde se met en place pour débuter l’après-midi...

Une cérémonie marquée par la tradition

La cérémonie du jour débute en présence de l’entourage de Trân Hai Đang. Une fois dans son appartement, j’aperçois immédiatement des paniers recouverts de draps rouges placés au fond de la salle, dans lesquels sont disposées diverses offrandes. J’en compte neuf au total, et j’apprends que cela a son importance : il est indispensable pour la famille du futur marié d’offrir un nombre impair d’offrandes (en règle générale, on en offre donc cinq, sept, ou neuf selon les moyens financiers et le rang de la famille). J’arrive à reconnaître du riz gluant, de l’alcool, des cigarettes, des noix d’arec et des feuilles de bétels, etc.

Ces offrandes doivent être transportées jusqu’au domicile de la future mariée. Pour ce faire, neuf jeunes hommes, vêtus d’un magnifique áo dài (tenue traditionnelle vietnamienne) bleu et blanc, ont chacun la tâche de porter un panier rempli d’offrandes (pouvant peser jusqu’à 10 kg !), jusqu’au domicile familial de la future mariée. Les 8 km qui séparent les deux maisons familiales se feront pour eux en xích lô (cyclo), sur lesquels on a pris soin de coller le symbole traditionnel vietnamien de l’amour sous forme d’autocollant.

L’heure du départ vers la maison de la future mariée (comme la date des fiançailles et du mariage d’ailleurs) est déterminée très précisément à l’avance en fonction du calendrier lunaire. Je n’en ai malheureusement pas retenu davantage sur les détails des modalités que l’on a pourtant tenté de m’expliquer...

En arrivant chez Đoàn Hà Linh, toute sa famille et plusieurs amis proches nous attendent. Neuf jeunes filles, vêtues d’un áo dài (tenue traditionnelle des femmes vietnamiennes) de couleur rose cette fois, sont chargées de recevoir les offrandes et de les disposer sur un meuble au fond de la salle à manger de l’appartement. Je me rends alors compte qu’une personne manque à l’appel : la future mariée elle-même.

On m’explique qu’elle doit rester dans la chambre pour l’instant. Le petit appartement est plein comme un œuf (même si seulement les deux familles et quelques amis proches sont présents, ça fait du monde !) à tel point que l’on peine à y circuler.

Les deux familles proches des futurs mariés s’installent à table face à face et entament alors une discussion d’usage qui se prolonge quelques instants. S’en suivent les prises de parole de chaque parent ainsi que d’un représentant issu de chacune des deux familles (souvent choisi pour son prestige).

Après quelques minutes, la mère du futur marié fait étrangement semblant de prendre des nouvelles de sa futur belle-fille auprès de sa belle-famille. C’est le signal. Trân Hai Đang est enfin autorisé à aller chercher sa future femme, restée jusque-là cachée dans sa chambre. Celle-ci entre alors dans la pièce principale, vêtue d’un somptueux áo dài rouge. La tradition veut qu’elle serve le thé aux invités, mais gare aux maladresses dans le service, qui pourrait porter malheur aux futurs mariés !

Dans l’agitation générale qui suit l’apparition de la mariée dans la pièce, j’observe les offrandes être de nouveau transportées dans une salle annexe, sur l’autel des ancêtres. On m’explique que le moment qui arrive est le plus important de la cérémonie. La famille de la future mariée annonce alors symboliquement la nouvelle du mariage qui arrive aux aïeux (l’accord des ancêtres est très important pour que le mariage ait lieu). Je savais déjà que le culte des ancêtres a une importance considérable pour les Vietnamiens (toutes les familles possèdent un autel des ancêtres, décoré de portraits et d’offrandes, à travers lesquels elles entretiennent le souvenir de leurs morts). Tout cela s’effectue dans l’intimité d’une petite salle à l’écart, à l’abri des regards.

Célébration du mariage davantage à l’occidentale

C’est sur cet épisode que le rituel des fiançailles prend fin. Les familles s’installent alors de nouveau pour discuter, de manière plus informelle cette fois. Les amis du futur couple prennent plusieurs photos souvenirs de l’après-midi, puis quittent rapidement les lieux pour rejoindre leur lieu de travail ou leur foyer respectif.

La célébration du mariage est prévue pour le week-end suivant, dans une grande villa au bord du lac de l’Ouest louée pour l’occasion. Trân Hai Đang m’explique que la soirée se déroulera beaucoup plus à l’occidentale.

Une dernière précision me semble importante. Les traditions sont aujourd’hui plus ou moins respectées par chaque famille. Les rituels peuvent donc varier selon les mariages, et évoluer avec le temps. Cet article a vocation à décrire une cérémonie des fiançailles au Vietnam, mais j’ai conscience que celle-ci aurait probablement été très différente si Trân Hai Đang et Đoàn Hà Linh étaient un couple saïgonnais, d’origine sociale plus modeste, ou encore issu d’une minorité ethnique du pays.

Source: Le courrier du Vietnam


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