Le culte aux ancetres

Le culte des ancêtres est une composante incontournable de la culture vietnamienne qui joue un rôle essentiel dans la vie quotidienne des individus et de la société, et c’est parce que nous le considérons comme l’un de piliers de la culture vietnamienne et une différence marquante avec nos habitudes occidentales, que nous souhaitons le développer en détails ici.

Liêm (2002) voit dans ce culte un processus qui « fixe l'identité individuelle par rapport aux temps, à la famille et aux espaces réels et symboliques, privés, sacrés et publics là où on vit et évolue ». Nguyên-Rouault (2001) le considère comme « un facteur d’unicité, de cohésion sociale et familiale, chez un peuple qui a réussi à concilier des influences religieuses, philosophiques et politiques extrêmement variées ».

Elle ajoute qu’il constitue « le fondement et l’essence même de la structure familiale traditionnelle du Vietnam et l’inspirent encore aujourd'hui. Le respect du culte des ancêtres participe de façon évidente à la cohésion de chaque famille et à la régulation des rapports entre générations. Culte familial et intime, il est et demeure le fondement et l’essence de la culture vietnamienne, le lien entre tous les Vietnamiens du nord au sud du pays, de toutes origines sociales, de toutes confessions religieuses ».

On voit ici que la portée du culte de l’ancêtre touche à la fois l’individu, son groupe, le passé, le présent et un grand nombre de traditions partagées par les vietnamiens depuis des dizaines générations. Il lie l’individu à ses ancêtres à travers un sentiment d’affection, de respect et de reconnaissance, ainsi qu’à son clan qui sera uni autour de la même solidarité.

Le culte des ancêtres est un prolongement de la piété filiale, et on retrouve dans ces deux traditions le même fondement moral, à savoir le respect des plus jeunes par rapport à leurs aînés. La piété filiale unit les générations vivantes, tandis que le culte des ancêtres perpétue l’attitude que les enfants ont eu toute leur vie par rapport à leurs aïeuls, et désormais avec leurs ascendants décédés : « Vénérer les ancêtres c’est avant tout vénérer les êtres qui nous ont offert la naissance, la vie, l’existence ».

Le culte des ancêtres apparait comme une croyance traditionnelle ancestrale, qui bien que « pratiqué bien avant l’introduction [des] préceptes religieux et moraux dans la religion vietnamienne »1, apparait aujourd’hui comme une « synthèse d’anciennes croyances et expériences animistes et confucéennes »2, rassemblant au sein de la famille de façon syncrétique des doctrines religieuses (bouddhiste, catholique, protestante…), des percepts taoïstes ainsi que des fondements confucéens. Il se base sur la croyance que les mondes réel et invisible ne sont jamais totalement séparés de l’au-delà, et que des relations entre les êtres vivants et le surnaturel existent en permanence. Aussi, toujours selon cette croyance, existe dans la culture vietnamienne la conviction que l’âme des défunts survit après la mort, protège la descendance d’où l’importance d’organiser des cérémonies commémoratives à leur attention.

Le culte des ancêtres prend place dès le premier jour du décès et a un rôle particulièrement important dans les mois qui suivent car il permet un passage sans heurt de l’âme du défunt du monde visible vers le monde invisible des ancêtres. Il aura lieu lors de tout évènement particulier de la famille (fête du Têt, naissance, mariage, anniversaires d’enfants, concours, construction d’une maison, maladie…), mais également tout au long de l’année : les membres de la famille « continuent de vivre avec leurs descendants, ils sont tenus informés et associés à tout événement important (…) [et] de façon tout à fait naturelle et harmonieuse, le monde des morts et celui de leurs descendants sont ainsi réunis dans tous les foyer du Vietnam et de la diaspora ».

La cérémonie du culte des ancêtres, et le « Dam giô4 » en particulier, vont rassembler les personnes « se reconnaissant un lien de parenté entre elles ». Cette notion de lien est primordiale au Vietnam car elle représente une véritable composante de l’identité de chaque individu. « C'est ce lien qui permet de se manifester, soit oralement pour dire l'intérêt et la filiation, soit concrètement en venant à la fête quand les conditions le permettent. C'est un évènement de solidarité conviviale où l'on invite le défunt (sa présence symbolique) à repasser à la maison prendre son repas avec ses proches, et attester la fidélité du lien entre tous »5.

La communauté familiale se trouve donc bien plus élargie que la famille nucléaire, et au sein de la famille clanique, la notion de cousin/oncle/tante dépasse souvent bien plus le cadre habituellement considéré en Occident. La filiation par rapport à des ancêtres communs, remontant parfois à plus de quatre générations, créé chez les membres du même clan, un fort sentiment d’appartenance et de solidarité face aux épreuves de la vie ce qui a pu faire comparer le culte des ancêtres à une « religion familiale ».

Le culte des ancêtres vise à honorer la mémoire des parents décédés ou du moins des dernières générations disparues, étant sous-entendu que la famille aura au cours de l’histoire pratiqué régulièrement le culte et qu’il n’est pas ainsi nécessaire d’honorer l’ensemble du panthéon des défunts de la famille. Aussi, tous les personnes disparues ne sont pas honorées de la même façon : « si les vivants occupent un rang plus élevé dans la hiérarchie familiale que le mort, ils ne sont alors pas tenus de pratiquer le culte ; ainsi une personne respectera scrupuleusement le culte des ancêtres dédié à ses parents mais, généralement, ne le respectera pas vis-à-vis de son enfant mort »1. La hiérarchie garde donc une forte influence également dans le monde invisible.

Le culte des ancêtres s’organise avant tout autour de l’autel des ancêtres qui est présent dans la plupart des foyers vietnamiens, à l’endroit le plus « décent » de la maison, situé généralement à la place la plus haute. Une photo des derniers disparus est placée au centre de l’autel, remplacée parfois par une gravure, un dessin ou encore juste un écriteau portant le nom des défunts. Des montages-photos permettent parfois de coloriser des photos anciennes ou encore de faire des retouches pour rassembler autour de scènes de la vie quotidienne plusieurs ancêtres ensemble. Autour de ces portraits, peuvent également figurer des représentations de Bouddha, de Jésus ou de tout autre personnage que la famille souhaitera honorer. Sont également placés de nombreux encensoirs piqués de bâtonnets d’encens, des fleurs, et tout autre objet qui pourra décorer et agrémenter les rituels.

Lors des cérémonies, de la nourriture et des offrandes (encens, cigarettes, alcools…) seront servis sur l’autel autour de trois couverts : l’un pour le défunt revenu, et deux autres destinés à ses éventuels compagnons de route qui l’accompagneraient. Les offrandes apparaissent comme un point essentiel du rite car ils symbolisent un échange entre les vivants et les ancêtres, et la qualité du don renverra alors à la mesure des attentes. Lors de la procession, chaque invité viendra saluer l’autel, en s’inclinant ou en s’agenouillant, et seront servis l’ensemble des plats partagés par les convives ainsi que de l’alcool de riz et du thé. En se prosternant, le chef de famille, en général le fils aîné, et tous les autres membres souhaitent
« la bienvenue aux ancêtres et exprimer leur joie de les retrouver. (…). La présence des ancêtres est donc un élément naturel et heureux de la vie familiale ».

Ce repas symbolique met en lumière encore une fois la spiritualité vietnamienne et représente un symbole très fort dans la culture. Nous reprendrons cette idée quand on s’intéressera à la recherche d’une scène de référence propre au Vietnam.

Aussi, si l’importance du culte des ancêtres ne fait aucun doute dans l’organisation de la famille et la société vietnamienne, Liêm (2002) a identifié différentes caractéristiques singulières qui pourraient avoir un rôle précis dans la psychologie de chaque individu.

Selon lui, le rituel de deuil, étalé ainsi en plusieurs étapes et impliquant de nombreux rituels, « transpose progressivement la peine de perdre un être cher dans la mémoire de chaque personne et organise le souvenir collectif comme une référence privée partagée ». Ce processus permettrait alors de « [garder] ses morts » et « [prévenir] considérablement la dépression comme la réaction psychologique à une perte totale et définitive de présence de l'autre. La douleur est partagée ».

La présence de l'autel des ancêtres au sein du foyer permettrait également de garder un contact avec le monde invisible et une proximité avec la mort qui, à avec des explications appropriées, permettrait « à l'angoisse des enfants devant le temps et la mort de prendre une autre allure: c'est l'intériorisation de ce qui arrivera à tous et par ordre (la mort), et la pérennisation des transmissions assurera une sorte d'éternité de l'Etre après avoir existé.

Chaque personne accède au sacré. Cette présence est prétexte aux récits de famille et aux histoires de vie utiles à l'éducation, notamment l'éducation du caractère ».

Le culte des ancêtres entretiendrait également des valeurs vietnamiennes en particularité par rapport à la psychologie intergénérationnelle : « respect des générations et reconnaissance des filiations, importance du sacré dans l'espace symbolique domestique, fonction structurante de l'éthique, prise en compte de la temporalité des actes de naissance et de mort. La personne, même l'enfant, peut prendre l'ancêtre à témoin pour n'importe quel sujet: il vient s'exprimer à voix haute (ou basse) devant l'autel, lieu sacré par excellence qui bénéficie d'une immunité définitive ».

L’autel des ancêtres aurait alors également un rôle de confident, réceptacle des humeurs ou des états d’âmes, structurant et régulant les éventuels conflits intergénérationnels en affichant les règles admises par la famille et la société.

Les pratiques du culte des ancêtres seraient alors le garant de la filiation biologique et la filiation des pratiques de mémoire. Parvenus à l’âge adulte, les enfants « devront prouver leur sens du devoir, des responsabilités ainsi que leur aptitudes à assurer la reproduction des respects dus aux personnes âgées, aux morts, donc à la mémoire, au passé », faisant alors du sentiment de piété filiale, un véritable « fondement même de leur personnalité ».

Nguyên Khac Vien, perpétuel visionnaire, imagine aussi que l’importance su culte des ancêtre est tel qu’il aura peut-être un rôle important à jouer dans futur pour modérer la modernistation et préserver la sauvegarde des traditions : " La famille nucléaire, qui tend à devenir la modalité prédominante en milieu urbaine, au Viêt- nam comme dans les autres pays, est soumise à l'influence de forces centrifuges variées. Le culte des ancêtres peut-il continuer à jouer un rôle stabilisateur ? Est-il destiné à persister durablement ou disparaitra-t-il dans un proche avenir ? S'il perdure, quelles formes nouvelles prendra-t-il ? Est-il nécessairement lié à l'existence de la famille élargie, du lignage ? Ce lien de parenté dépend-il d'une structure techno-économique déterminée, donc condamné à disparaître dans un système économique nouveau ? ».

Enfin, notons que comme le pense Liêm (2002), le culte des ancêtres, s’intégrant plus largement dans la philosophie confucéenne générale, peut également conduire, dans le cas où il serait appliqué comme une « référence autoritaire », à une « source d'abus de pouvoir en famille, source également de soumission docile dans une société envisagée comme une grande famille

Ce que l’on peut retenir par rapport aux croyances et pratiques populaires au Vietnam

Il existe au Vietnam un grand nombre de croyances qui ont trait aux représentations surnaturelles à travers les génies et d’autres forces immatérielles qui entretiennent des
relations réciproques avec le monde des humains. Face à cela, on retrouve de nombreuses pratiques qui auront pour but de dialoguer avec le monde invisible pour solliciter sa générosité, demander son avis ou encore implorer son pardon.

Aussi, d’une façon générale, il apparait que les Vietnamiens attachent une grande importance aux mythes et à la dimension magique et qu’ils seront particulièrement sensibles aux représentations symboliques et aux pratiques traditionnelles. La place dominante que l’homme possède au sein de la famille vietnamienne est liée aux règles confucéennes (transmission du nom, perpétuation de la lignée, cérémonie du culte des ancêtres…) et contribue à maintenir une idéalisation du sexe masculin et inversement une possible dévalorisation du sexe féminin. Le fait que les familles rassemblent habituellement sous le même toit trois ou quatre générations avec la famille élargie (frère et sœur des grands parents), avec une place spécifique pour chaque personne (poids de la hiérarchie, éducation, enseignement de la politesse et des bonnes manière revenant souvent à la grand-mère, éventuels conflits entre la mère et sa mère ou sa belle mère par rapport à l’éducation proposée…), demande au psychologue d’investiguer tout particulièrement les relations et l’organisation familiale. Le psychologue devra également prendre en compte des types d’éducation traditionnellement inculqué, souvent permissive au début pour les garçons (enfant-roi) puis progressivement marquée par un respect de l’autorité exigeant obéissance et bons résultats à l’école, alors que les filles seront souvent plus rapidement impliquées dans les tâches domestiques et le soin de la fratrie.

Enfin, le culte des ancêtres, pratique fondamentale au Vietnam liant le présent avec le passé, et apportant une identité et un ensemble de valeurs à tous les membres du clan, est très important dans le quotidien des individus (offrandes pour honorer les ancêtres et apporter prospérité et chance au foyer, implication des ancêtres pour tout évènement de vie important (naissance, mariage…)), et joue un rôle fondamental dans l’organisation de la famille et l’ensemble de la société vietnamienne. Cette pratique nous semble aussi être un symbole rassemblant un grand nombre de facteurs culturels vietnamiens qu’un clinicien étranger devra percevoir s’il souhaite travailler avec cette culture.


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